Katrin - l’héroïne au radis noir
La FLIRTAKADEMIE vous apprendra tous les mois à identifier, au premier coup d’œil, la méthode appropriée pour conquérir l’Allemand ou l’Allemande de vos rêves les plus fous. Mais aussi à repérer et éviter les chocs culturels de la drague Outre-Rhin. Les bénéfices de l’amour interculturel sont innombrables : apprentissage express d’une des langues les plus difficiles au monde, insertion dans le milieu amical deutsch de l’être aimé et gain immédiat de reconnaissance sociale au Kneipe du coin. Sans oublier que les disputes bilingues sont toujours extrêmement divertissantes !
Repérer Katrin
Errant dans les rayons du Bio-Company de votre quartier, avec son teint pâle et ses cheveux blond-bébé – un peu scandinave, un peu fragile, Katrin vous a séduit tout de suite. Si naturelle, si simple, si pure, si mince. Un ange ?
Un ange de la consommation moderne, du moins. En ces temps chevalins, où l’on ne saurait se fier à la moindre barquette de lasagnes sous peine d’avaler de l’étalon, voire du jockey, devenir végétarien est presque un appel à la raison. Mais Katrin a devancé la mode. Depuis qu’elle a vu un agneau se faire abattre dans un documentaire sur Arte, elle refuse non seulement de manger de la viande, mais aussi de porter des chaussures en cuir ou de peindre des œufs de Pâques. En un mot : Katrin est végétalienne. Pas d’œufs, pas de lait, pas de beurre, donc pas de gâteaux, pas de pâtes à l’italienne, pas de chocolat ni même de Kinder Surprise : en un an, Katrin a perdu dix kilos grâce à ses seules convictions environnementales. Pas mal, quand on pense aux millions de Françaises qui se ruent sur des crèmes amincissantes dès le premier numéro de Elle du mois d’avril, avec des résultats piteux.
Katrin, c’est l’Allemagne dans toute sa radicalité écolo. Elle ne rigole pas avec la bouffe et elle le fait savoir. On la trouve à la Veggie Parade chaque été, vêtue d’un costume de vache, allongée sur le sol devant la porte de Brandebourg avec une pancarte « Être humain = Assassin ». Son côté passionaria du poireau vous touche, vous qui avez pleuré six mois la perte de votre hamster quand vous aviez six ans. Et puis, avouez-le, en bon Français à la réputation carnivore, séduire une telle forteresse imprenable vous excite un peu.
Comment la séduire
Jetez votre portefeuille chouchou, vos élégantes chaussures de ville et votre malheureuse housse de smartphone en agneau plongé. Tout est préférable au cuir pour notre végétalienne, et si vous ne pouvez pas vous passer de votre perfecto, achetez une version en skaï, merci (et tant pis pour les émanations de bisphénol A). Maintenant, rendez vous au supermarché bio du coin.
Son panier en osier plein de navets régionaux, posé au creux de son mince coude, Katrin arpente méticuleusement le rayon tofu. A vous de jouer ! Katrin n’aime rien tant que prêcher pour sa verte paroisse. Demandez-lui d’une voix naïve si elle estime que ces rouleaux de printemps à la chinoise sont bien 100% vegan. L’arcade sourcilière dressée, elle consultera avec sérieux la liste des ingrédients avant de vous confirmer la présence de traces de lait dans la pâte de ce nem mensonger. Une fois le poisson – pardon, la jolie plante – ferrée, invitez-la à dîner. Certes, vous êtes Français, mais rien ne vous empêche de twister vos recettes préférées. Faites un sourire enfantin lorsqu’elle s’extasiera sur votre cassoulet sans canard et sur votre bourguignon sans bœuf.
Le choc culturel
Vous vous êtes bien habitué aux graines germées, ainsi qu’aux pancakes sans œufs à la consistance d’un morceau de caoutchouc : bravo ! Mais voilà que c’est Noël et que vous avez décidé de présenter votre liane à vos parents. Alors que vous êtes immergés dans le Gers, à la table familiale et que retentissent les douze coups de minuits, votre mère a déposé dans les assiettes une rondelle de foie gras à laquelle vous n’aviez pas pensé. Et votre Katrin de demander, avec son accent délicieux, ce dont il s’agit. La réponse de votre mère déclenche alors un cataclysme émotionnel, additionné d’un torrent de larmes et d’yeux lançant des éclairs quand Katrin découvrira que toutes vos convictions écologiques s’écroulent devant les traditions de Noël françaises. Car oui, vous avez bien l’intention de le bouffer, ce foie gras, c’est Maman qui l’a fait elle-même, il vient de la ferme d’à côté, c’est quand même pas si grave, une fois par an.
Cette nuit-là, nuit de paix et d’amour universels, Katrin regardera sans fin des vidéos de gavage d’oie sur Youtube pendant que vous mangerez votre repas avec une mauvaise conscience insupportable. Vous finirez par vous engueuler avec vos parents, parce qu’au fond vous trouvez que Katrin a un peu raison, et puis c’est votre fiancée, merde ! Vous découvrirez alors que tout le village appelle votre éthérée « Kate Moss » en référence à son teint pâle et à sa maigreur qu’ils attribuent à une addiction à l’héroïne.
Comment la larguer
Un rapatriement en trombe vers l’Allemagne n’y changera rien. Entre vous et Katrin, le torchon en fibres recyclées brûle ! Katrin s’emploie à vous ramener à la raison et s’essaie à la recette du foie gras de tofu, en vain. Quant à vous, vous avez goûté au péché, et vous avez envie d’y revenir – car la chair est faible, surtout la française. Les stands de bratwursts vous font de l’œil et un collègue vous a secrètement rapporté un saucisson, que vous dégustez tranche après tranche dans le tiroir de votre bureau.
Les Allemands apprécient l’honnêteté. Dites à Katrin que vous ne pouvez pas lui imposer un quartier de bœuf dans le frigo sans choper une insomnie. Flagellez votre incorrigible passion pour les côtes de veau, admirez son stoïcisme teuton, et déménagez à Francfort. Après votre cinquième junk-saucisse et un début de cancer du côlon, vous regretterez peut-être un peu votre lâcheté alimentaire mais ça, c’est une autre histoire…
Manon & Marie