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À Berlin, un château renaît de ses cendres

Le président allemand a posé la première pierre du Humboldtforum juste avant l’été. Après deux décennies de controverses, les esprits se sont calmés. Mais l’un des plus importants projets de reconstruction de Berlin est loin de faire l’unanimité.

Arthur Kaiser, Berlinois de 30 ans, lève les yeux sur l’octogone géant et bleu électrique planté à l’entrée du chantier. “Cette Humboldtbox, c’est de la publicité cher payée”, déplore-t-il. L’entrée dans le bâtiment provisoire destiné à informer sur le projet de reconstruction du château de Berlin coûte 4 euros. Derrière, des camions circulent autour d’un immense cratère de terre. De l’autre côté du boulevard, des dizaines de touristes profitent du parc pour se reposer entre une visite au Neues Museum et une autre au Berliner Dom.

Le président allemand Joachim Gauck a posé la première pierre du futur château de Berlin le 12 juin dernier, onze ans après le vote du projet au Bundestag. La cérémonie a marqué la fin de deux décennies d’hésitations sur l’avenir de ce terrain qui accueillait un château impérial avant 1945. L’édifice historique, endommagé par les bombardements, avait été entièrement démoli par le régime de RDA. Le gouvernement est-allemand l’avait remplacé par un Palais de la République, lui-même démonté entre 2006 et 2008, au terme de nombreuses controverses.

L’ancien château des Hohenzollern doit donc bel et bien retrouver sa place, d’ici 2019, sur l’île aux musées, en plein centre de la capitale. Enfin, presque. Seules trois façades seront refaites à l’identique. La quatrième, ainsi que l’intérieur du bâtiment, seront de facture moderne. D’ailleurs, l’édifice ne s’appellera plus château. Il prendra le nom d’Humboldtforum, du nom de l’explorateur et scientifique allemand et de l’université associée au projet. “La reconstruction du château a été décidée comme un prétexte pour démolir le Palais de la République”, estime Arthur Kaiser. Le jeune homme qui a grandi dans le Brandebourg est membre de l’initiative citoyenne Schloss Freiheit, qui refuse la construction du Humboldtforum et veut retrouver la prairie qui avait pris place sur le terrain de 2008 à 2012. “Avec cette pelouse ouverte à tous, nous avions enfin quelque chose pour les Berlinois à cet endroit. Il n’y a jamais encore eu quelque chose pour les habitants ici. Le Humboldtforum ne le sera pas non plus. Il est destiné à devenir une attraction touristique, avec des musées payants.”

D’autres initiatives se mobilisent encore contre le château. Elles s’appellent Humboldt 21 ou No-Humboldt 21, et voient dans le projet un scandale à venir, un peu comme ceux de la gare de Stuttgart ou de la Philharmonie de Hambourg. Les voix d’opposants sont toutefois beaucoup moins nombreuses et moins vives aujourd’hui qu’il y a encore cinq ans. Les esprits se sont calmés, sans que le château ne suscite pour autant l’enthousiasme dans la population. Loin de là ! Selon un sondage publié par l’hebdomadaire Stern le jour de la pose de la première pierre, moins d’un tiers des Allemands sont pour la reconstruction, 65 % contre.

La raison est peut-être à chercher dans le coût du projet, qui donne le vertige : 590 millions d’euros en tout, dont 480 millions payés par l’État fédéral et 32 millions par Berlin, donc par les contribuables. La reconstruction de trois façades baroques et de la coupole à l’identique doit, elle, être financée par des fonds privés, ceux des dons récoltés par l’association Berliner Schloss. Sur les 80 millions nécessaires, elle en a réuni 26 millions aujourd’hui. Elle est donc encore loin du compte. Pourtant, Wilhelm von Boddien, le directeur de Berliner Schloss qui s’investit pour la renaissance du château de Berlin depuis plus d’une décennie, est confiant. Et satisfait du compromis trouvé : “Nous avons trois façades reconstruites, et la dernière n’est pas visible de la ville, seulement de la Spree. C’est plus que ce que nous pensions. Et nous avons réussi à conserver la possibilité de reconstruire plus à l’intérieur, parce que les hauteurs de plafonds sont les mêmes que dans le bâtiment d’origine.”

En l’état actuel du projet, l’intérieur de l’édifice n’aura en tout cas rien à voir avec une résidence impériale du XVIIIe siècle. Le Humboldtforum abritera les collections du musée des arts asiatiques et du musée ethnologique, qui se trouvent aujourd’hui à Dahlem, dans un lieu excentré de la ville. Mais il y aura aussi, dans le futur château, une annexe de la bibliothèque du Land de Berlin, un auditorium, des salles de concerts, des espaces de conférences, une petite salle de cinéma… Bref, le Humboldtforum se veut un complexe culturel complet. “L’idée est d’en faire un centre culturel actuel”, explique le Suisse Martin Heller, qui a conçu les aménagements intérieurs du bâtiment. “Le défi est de travailler sur la relation entre l’Allemagne et le reste du monde, notamment avec une nouvelle présentation des collections des arts et objets des civilisations extra-européennes.” Le Humboldtforum sera donc le Quai Branly de Berlin, à deux pas du musée de Pergame, de l’Altes Museum, du musée Bode… “Avec le Humboldtforum, l’île aux musées donnera à voir toute la culture du monde à distance de marche”, se réjouit Wilhelm von Boddien. Et Berlin aura un semblant de château baroque à quelques centaines de mètres de la tour soviétique de l’Alexanderplatz.

TEXTE : RACHEL KNAEBEL

Source : ParisBerlin

Article original : À Berlin, un château renaît de ses cendres

 
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