Mercedes : l'érosion d'un mythe
Les difficultés rencontrées depuis une dizaine d’années par Mercedes s’expliquent par des choix stratégiques hasardeux et une perte de son identité.
Il y a 60 ans, avec la sortie de la nouvelle Mercedes 300 SL, naissait un mythe. De Karajan à Romy Schneider en passant par Tony Curtis, les grandes stars de l’époque posaient fièrement devant leur berline allemande. Aujourd’hui, de l’aveu des spécialistes, Mercedes est davantage associée “aux conducteurs de taxis” ou aux “rappeurs US” qu’aux étoiles du septième art.
Comment expliquer pareil changement ? “Dans son histoire, Mercedes avait réussi à marquer des générations entières avec des modèles uniques. Chaque salarié allemand rêvait de se payer un jour une Mercedes qui symbolisait un achèvement et une reconnaissance sociale”, rappelle Frank Dopheide, président de Deutsche Markenarbeit, spécialiste en gestion de marque. “Il y a douze ans, Mercedes a lancé une nouvelle straté- gie visant à rajeunir la marque et dynamiser ses ventes : ils ont multiplié les modèles en faisant table rase du passé”, explique Paolo Tumminelli, critique en design et directeur de l’institut Goodbrands. Jusqu’alors spécialiste de la voiture de luxe et de la voiture sportive, Mercedes s’attaque à de nouveaux segments de marché et sort la Classe A (voiture compacte), B (monospace com- pacte), puis les modèles ML (4×4) et CLS (berline basse), etc. Les choix du constructeur sont vite discutés: à vouloir imiter le style sportif des Audi et BMW, Mercedes sort des modèles hybrides, à mi-chemin entre la citadine et la sportive, qui ne convainquent pas le marché. Ses clients se tournent petit à petit vers ses deux concurrents.
Un style entre Hyundai, Opel et BMW
“Le design a également beaucoup perdu en qualité, que ce soit dans les choix des faces avant, les proportions fantaisistes et les dimensions, trop hétérogènes. Aujourd’hui, le style de Mercedes est indéfinissable: entre Hyundai, Opel et BMW”, explique M. Tumminelli. En douze ans, Mercedes lance trois flottes de voitures différentes, Audi et BMW une seule.
Sur le marché, la réponse est sans appel: en Europe, les ventes de Mercedes chutent de 20% en dix ans, quand celles de BMW progressent de 25 %. Si au niveau mondial, Mercedes bat encore des records de ventes, la firme de Stuttgart est néanmoins devancée par BMW depuis quelques années et est en passe de l’être par Audi. Consciente de son décrochage, Mercedes essaie de contrer cette tendance. Son retour en F1 – avec le recrutement de stars comme Michael Schumacher puis Lewis Hamilton – et son association à la Fashion Week doivent signer le renouveau de la marque, et le retour à la pointe de la technologie et du chic. “Pour se relever, Mercedes doit revenir à son niveau d’excellence d’antan. La marque est toujours mondialement connue et réputée pour sa qualité, ce qu’il manque c’est un nouvel éclat”, conclut M. Dopheide.
TEXTE : MARC MEILLASSOUX
Source : ParisBerlin
Article original : L’érosion d’un mythe