Une coutume fièrement enracinée dans les campagnes allemandes : le Schützenfest
Penser connaître les fêtes traditionnelles allemandes en ayant aperçu des images de l’Oktoberfest de Munich est une erreur. Depuis le Moyen Âge, les “Schützenfeste” sont une coutume ancrée dans la société outre-Rhin, pourtant méconnue des Français.
Quelques dizaines de badauds et une bonne centaine de voisins attendent le défilé que l’on entend déjà au loin. Nous sommes à Drenke, petit village de 400 âmes, situé à la frontière de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Hesse et de Basse-Saxe. La troupe est habillée d’une veste couleur poireau décorée d’insignes militaires, d’un pantalon noir, d’un chapeau plat et de gants blancs. Ils avancent en cadence telle une armée, mais leurs armes sont désormais en bois.
Trois jours de fête populaire
Plus de 15 000 villages allemands organisent entre mai et août les “Schützenfeste”, fêtes des tireurs, héritées d’une longue tradition. Au Moyen Âge, les archers et arbalétriers se réunissaient pour protéger ensemble leur ville des invasions extérieures. Cette guilde organisait des concours de tir, transformés en fêtes populaires, où le meilleur tireur devenait le roi. Avec le temps, l’usage militaire défensif de ces corporations s’est effacé au profit de clubs de tir amateurs.
Malgré des différences entre les régions, certaines étapes restent indispensables. Trois semaines auparavant, à l’occasion du “tir du roi” (Königsschießen), le meilleur tireur de l’association a été sélectionné. Celui-ci, devenu roi du défilé, est alors au cœur des festivités, accompagné de sa femme, la reine. Le cortège des tireurs passe les chercher en musique chez eux sous les applaudissements du public. Après un passage solennel au cimetière du village, la joyeuse troupe parcourt le village, suivie par la foule jusqu’à la mairie, où les attendent café, gâteaux, bières, et manèges pour les enfants. Samedi et dimanche soir, le roi ouvre le bal en dansant avec la reine. Le temps d’un long week-end, les festivités animent le village et ses alentours. L’un des tireurs témoigne : “Tout le monde attend la fête. Elle est très importante et son organisation demande du temps.” L’ambiance y est caractéristique des fêtes de village : saucisses, tubes de l’année interprétés par l’orchestre du coin, et moustaches blanchies par la mousse de bière.
Tous les âges sont représentés dans ces événements populaires. Très tôt, les jeunes entrent dans l’association et s’entraînent à tirer sur des cibles. Le lundi des Schützenfeste leur est d’ailleurs consacré (Kinderschützenfest) et ils perpétuent ainsi la tradition depuis leur enfance. Les adolescents y participent volontiers malgré l’aspect a priori ringard de cette tradition campagnarde : “On boit, on rigole, l’atmosphère est particulièrement détendue. C’est un peu kitsch mais c’est la tradition”, confie un jeune de l’association. “En ville, ils ne comprennent pas ces fêtes puisqu’ils ne connaissent pas cette ambiance de village.”
TEXTE : ALIENOR CARRIERE
Source : ParisBerlin
Article original : Une coutume fièrement enracinée dans les campagnes allemandes