La peur allemande des cartes bancaires
Notre chroniqueur habite à la frontière entre la France et l’Allemagne et s’étonne chaque jour des petites différences. Ce mois-ci, il explique pourquoi il vaut mieux avoir du liquide sur soi quand on va faire ses courses en Allemagne.
Notre vie au XXIe siècle a bien évolué. Il y a dix ans nous avions encore des pièces d’argent et des billets de banque dans nos porte-monnaie. Aujourd’hui le paiement par carte est de rigueur. Avons-nous déjà posé des questions sur ce qui se passe dans les câbles du lecteur de carte au passage en caisse ? Non, pourquoi ? Nous n’avons jamais eu de problèmes, évidemment ! Pour nos voisins allemands ce n’est pas aussi évident. Les Français qui habitent le long du Rhin le savent depuis longtemps : si vous voulez faire des emplettes dans des magasins allemands, passez d’abord au distributeur de billets, avant de vous jeter dans la foule.
Par exemple, dans la filiale d’un grand magasin de meubles suédois à Fribourg, qui se trouve à moins de 30 km de la frontière, impossible de payer par carte de crédit. La caissière vous invite gentiment à laisser vos produits près de la caisse et à revenir avec des euros sonnants et trébuchants. Pour ce faire, il y a un distributeur de billets dans le hall d’entrée du magasin. Comme vous vous trouvez à ce moment sur le territoire allemand, gare à vous, si vous n’avez pas de carte de crédit compatible avec le système bancaire allemand. Vous finissez par remettre vos achats de folie aux rayons. Ainsi certains Français ont fait bien des économies lors de leurs visites outre-Rhin. Le règlement par carte est dans l’opinion publique allemande un sujet sensible. Différents prestataires du paiement électronique étaient montrés du doigt l’automne dernier parce qu’ils collectionnaient des données sur la fréquence et les habitudes d’utilisation du bout de plastique au décor fantaisiste souvent à dominance dorée. Le Frankfurter Rundschau titrait le 23 septembre dernier : “Vérification de la solvabilité au passage en caisse.”
Il met en cause un certain nombre de prestataires bancaires et laisse planer le doute sur le respect des lois de protection des données informatisées. En France, c’est la mission de la CNIL de veiller sur nos données personnelles. Pour appuyer ses accusations il critique par exemple le système IC-Vario de chez Intercard. Le prestataire combine la vieille méthode par signature avec celle où on tape simplement son code secret, employée plus fréquemment aujourd’hui. Avec l’argument que le règlement via une signature n’engendre quasiment pas de frais, mais serait beaucoup moins sûr pour le commerçant, Intercard propose de renseigner ses clients sur le détenteur de la carte qui se présente devant lui. Ainsi, en l’espace d’un millième de seconde, le terminal IC-Vario effectue une recherche dans le fichier critiqué par le Frankfurter Rundschau, renvoie l’information “go” ou “vérifier” ! Si exceptionnellement le signal “vérifier” est retourné, l’acheteur est automatiquement invité à saisir son code. La banque facture 3 % de la somme à débiter.
Alors, si vous avez la chance de tomber sur un commerçant qui accepte les cartes de crédit, la prochaine fois que vous vous rendrez dans le pays de Goethe, soyez conscient de deux choses : premièrement, si le terminal vous demande votre code, il vous considère comme un mauvais payeur. Deuxièmement, le commerçant en face de vous blêmit, car il vient de perdre 3 % de sa marge. Bonnes courses !
TEXTE : WILHELM WINZIG
Source : ParisBerlin