L'éveil de la sexualité en Allemagne : Une génération porno... et fleur bleue
Avec un langage et des images explicites, le livre Make Love entend guider les adolescents allemands vers une sexualité authentique. Loin des codes du porno.
Ils croient tout savoir sur le sexe, alors qu’ils n’ont encore jamais fait l’amour. C’est tout le dilemme d’une génération qui a grandi avec Internet et qui est confrontée quotidiennement à des images pornographiques mettant en scène une sexualité débridée. C’est pour cette génération de jeunes que la journaliste Tina Bremmer-Olszewski et la sexologue Ann-Marlene Henning ont écrit le livre Make Love. Un ouvrage qui s’écarte des chemins battus de l’éducation sexuelle et qui a caracolé en tête des ventes de livres cet été. Ce guide à l’usage des adolescents leur parle en effet sans détour de masturbation, de la première fois, d’identité sexuelle, d’orgasme et de moyens de contraception. Il est illustré de photographies explicites de jeunes couples hétéros et homos en pleins ébats et dont les corps ressemblent aux leurs. Cette publication a pour vocation d’explorer le sexe sous toutes ses coutures, mais surtout d’en terminer avec le mensonge porno.
“Les pénis en érection permanente, les seins opérés, les positions qui souvent ne procurent aucun plaisir aux femmes, ce sont des images fausses qui mettent les jeunes sous pression”, explique Tina Bremmer-Olszewski. “La confrontation permanente avec ces contenus dans les médias leur donne le sentiment de tout connaître et d’avoir tout vu, mais c’est faux. On n’apprend pas à faire plaisir à l’autre et à soi-même avec le porno.”
Et pourtant, malgré les cours d’éducation sexuelle prodigués en Allemagne dès la primaire et où sont abordés tous les sujets liés à la puberté, c’est surtout sur le Net que les adolescents vont chercher les informations qui leur font défaut. 98% des jeunes Allemands sont en ligne et selon une étude menée en 2009 par la revue pour ados Bravo, 79% des 14-17 ans ont déjà été en contact avec des contenus pornographiques. Face à ce flux d’images, il existe bien sûr des filtres, mais selon l’ institut Hans-Bredow de Hambourg seuls 25% des parents les utilisent.
Le gouvernement fédéral a donc lancé en juillet une campagne d’information pour mobiliser les parents et multiplier les programmes de protection pour permettre aux enfants de découvrir le Net sans être confrontés sans arrêt à des images dérangeantes. Car dans les faits, le contrôle de la pornographie sur le Net est quasiment impossible.
D’où la nécessité, aujourd’hui plus que jamais, d’expliquer la sexualité et le plaisir aux jeunes, selon Tina Bremmer-Olszewski. D’autant que malgré leur consommation de porno, les jeunes Allemands ne sont pas plus décomplexés et débridés que leurs aînés. La dernière étude publiée par le Centre fédéral d’éducation sanitaire en 2010 montre qu’ils sont finalement assez sages. Un tiers d’entre eux attendent d’avoir 17 ans pour faire l’amour pour la première fois et de préférence avec leur compagnon et avec un préservatif… Une génération porno finalement plus fleur bleue qu’on ne le croit et qui a peut-être enfin trouvé son livre de chevet avec Make Love.
La sexualité avec Peter und Ida
Comment expliquer “la chose” à son enfant? Et à quel âge? Ces questions semblent beaucoup perturber les parents allemands – si l’on en croit le nombre de forums et sites Internet consacrés au sujet. Les parents disposent aussi d’une large palette de livres ou BD pour aborder le sujet. Les publications se sont multipliées depuis les années 70, tel le livre de photographies Zeig Mal! (Montre-moi!) sorti en 1974, controversé aujourd’hui car assimilé à de la pornographie enfantine. Un des grands classiques du genre reste Peter, Ida und Minimum, recommandé à partir de l’âge de 6 ans. Dans l’histoire, les parents expliquent à leurs deux enfants comment le petit troisième a été conçu et comment il grandit dans le ventre de la mère avant la naissance. 140000 exemplaires en ont été vendus en Allemagne depuis 1989.
TEXTE : ANNE MAILLIET
Source : ParisBerlin
Article original : Une génération porno… et fleur bleue