Le Nord et le Sud en Allemagne : Hareng mariné vs boudin blanc
Le Schleswig-Holstein (capitale : Kiel) est le troisième Land où j’ai eu le plaisir d’élire domicile durant le périple que j’ai entrepris à mon insu, et qui pourrait s’intituler Le tour d’Allemagne en un nombre indéterminé de jours. C’est très au nord.
À vrai dire, difficile de faire plus au nord que ce Land, avec son littoral bordé par la mer Baltique d’un côté et la mer du Nord de l’autre. Ses habitants sont des Allemands du grand nord, une peuplade assez différente des Allemands de l’est, par exemple, ou de ceux du Bade-Wurtemberg, ou encore… des Bavarois.
Quand nous nous sommes installés en Bavière pour la première fois, le choc a été plus rude pour SG que pour moi. En tant qu’étrangère dans ce pays, j’arrive à appréhender la plupart des déménagements comme autant d’aventures, ce qui se révèle plus ou moins vrai par la suite. Il s’avère qu’habiter à Pétaouchnock est bel et bien une aventure, mais plutôt de celles qui forgent le caractère que de celles dont vous vous souvenez comme l’une des meilleures choses qui vous soient jamais arrivées. SG est du nord jusqu’au bout des ongles. Plus nordique, tu meurs. Pour lui, « Moin » est une salutation qui couvre tous les moments de la journée, et « Yo ! » peut signifier « merci », « bonjour », « oui », « cela m’est égal » ou « parfait ». À ses yeux, la Bavière est responsable de tous les maux, et, s’il se sent obligé d’échanger quelques phrases avec des autochtones, c’est uniquement parce qu’il a le malheur d’avoir une petite amie australienne de nature bavarde. Il était pourtant prévenu que ce ne serait pas du gâteau. Tel un poisson arraché aux eaux saumâtres de la mer Baltique, il a été catapulté sans ménagement dans les collines verdoyantes du sud de l’Allemagne. Le choc culturel qu’il a subi a été plus violent que le mien et, les premiers mois, il a opposé une résistance, que dis-je, une aversion plus radicale que la mienne à tout ce qui venait du sud. (En outre, il a du mal à comprendre les gens du cru, ce qui fait le plus grand bien à mon amour-propre, en particulier sur le plan linguistique. Cela dit, il ne se donne même pas la peine d’essayer : comment voulez-vous qu’un natif du Schleswig-Holstein s’intéresse à ce que raconte un Bavarois de l’Oberpfalz ?)
J’entends d’ici votre ton apaisant : allons, allons, le contraste ne peut pas être si marqué entre le nord et le sud d’un pays de la taille de l’Allemagne (un timbre-poste comparé aux États-Unis, au Canada, à l’Australie ou au Brésil). Pourquoi chercher la petite bête ? Les Allemands forment une grande famille unie depuis la chute du mur, après tout. Et puis, cette barrière s’élevait entre l’est et l’ouest, pas entre le nord et le sud. Au début, j’ai eu la même réaction que vous. J’ai essayé d’apaiser SG en tenant des propos tout sauf apaisants : il exagérait sûrement, les mœurs bavaroises ne pouvaient différer à ce point de celles du Schleswig-Holstein…
Mais, quand je suis retournée vivre dans le nord après ce passage par le sud, j’ai changé de discours. Ils sont bel et bien différents, radicalement différents. Ils y mettent même un point d’honneur. Vous vous souvenez de mon billet sur les dialectes bavarois, dans un Land qui compte sept régions ? C’est à cette mentalité que je fais allusion, chers lecteurs. Les Allemands aiment s’identifier à leur région, même si ladite région n’est pas plus grande qu’un timbre-poste au sein d’un Land qui fait la taille de dix timbres-poste. Les Allemands ont au moins un point commun : la fierté régionale. (Et la Wurst, évidemment.)
Source : allemagne.diplo.de